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vendredi 7 décembre 2012

En vrac du vendredi

jeudi 4 juin 2009

A propos de gratuité (bis)

J'ai vraiment eu du mal avec le récent édito de Claude Allègre paru dans Le Point et intitulé Non à la commercialisation du gratuit. J'ai eu envie de faire une réponse, mais je sais au fond de moi que réagir à chaque fois qu'un internaute publie une connerie n'est pas la meilleure façon de prendre soin de mon hygiène mentale :-) (notez l'euphémisme).

Mais à quelque chose malheur est bon dit le dicton, et me voilà à écrire un billet sur la gratuité, sujet qui me trotte dans la tête depuis bien longtemps. Tellement longtemps que je l'ai déjà écrit en 2006 : A propos de la gratuité ! Je vous recommande de le lire avant que je ne continue sur le même thème. En substance, il y a différentes sortes de gratuité, par exemple la gratuité du bien matériel par opposition à la gratuité de l'idée. Et puis il y a aussi la motivation de celui qui utilise la gratuité. Est-ce une entreprise qui a vocation à gagner de l'argent, ou est-ce une organisation (association, fondation) à but non lucratif, ou est-ce juste un individu qui est purement dans une logique de don ? Pour rendre les choses plus complexes encore, on a le cas des journaux gratuits, qui sont un support matériel pour une information.

On se retrouve dans une matrice comme ceci (avec beaucoup d'approximations, merci d'utiliser les commentaires pour remplir les cases) :

Matrice gratuité
  But lucratif Non-lucratif pérenne Don pur
Bien ou service matériel Objets publicitaires Humanitaire/Educ. Cadeaux
Mix information / matériel Journaux gratuits   iPod plein en cadeau
Idée, information, logiciel Freeware & Open-Source, freemium, shareware Mozilla Free Software, blogs non commerciaux

Quoi qu'il en soit, on a à faire à plusieurs types de gratuités. Si c'est à but lucratif (comme c'est souvent le cas), il est essentiel de se demander comment est financé l'entreprise :

  1. Est-ce qu'elle est financée par la publicité (en échange de mon temps de cerveau disponible ?)
  2. Par l'utilisation de mes données personnelles qui seront revendues ?
  3. Par le lock-in qui va me pousser à acheter des services complémentaires à ceux qui sont gratuits ?

Je crois qu'il reste bien des choses à dire sur la gratuité, mais je vais m'arrêter pour l'instant. Si vous avez des idées pour affiner la matrice ci-dessus (elle en a bien besoin), laissez un commentaire !

PS : mon tableau est une horreur intégrale, mais je manque de temps pour en faire une version avec l'élément <table> (que j'ai tendance à détester, même si son utilisation est ici justifiée). Mis à jour avec un vrai tableau, merci à ceux qui m'ont donné un coup de main, c'est beaucoup mieux ! PPS : ne pas prendre ce billet comme un jugement de valeur en faveur du don et contre l'économie de marché, merci. (de même que je ne suis pas contre le monde réel ! ;-) )

vendredi 7 mars 2008

Quand le dévot, le révolutionnaire et le millionnaire sont dans un bateau... Libre

Trois approches antagonistes du logiciel Libre.

Approché par la télévision belge dans le cadre d'une émission sur Mai 68, on me demande si le logiciel Libre et Internet sont des héritiers de Mai 68. J'avais deux ans à l'époque et je ne peux pas prétendre avoir participé à la chose ni même conservé le moindre souvenir de l'époque, mais dans une certaine mesure, on retrouve des valeurs de Mai 68 dans l'approche du logiciel Libre. Je pense à la gratuité, au travail en communauté (fais tourner, man ! ;-), et à un certain idéal, à une liberté, une indépendance. J'en parlais avec Fred Couchet (fondateur de l'APRIL), qui m'a pointé sur une interview dans Libé, qui va dans ce sens :

Dans l’open source le logiciel libre[1], le pouvoir appartient à tous, et plus seulement à quelques-uns. Le logiciel libre démocratise le savoir en évitant son appropriation exclusive par des multinationales. Le monde du libre induit aussi un changement culturel très profond dans la manière de travailler. A un modèle hiérarchique et fermé opérant en vase clos, le logiciel libre substitue un modèle communautaire, fondé sur la coopération et le partage. Ce n’est pas un hasard si le boom du logiciel libre est allé de pair avec la démocratisation d’Internet. La fantastique croissance de ce réseau mondial a permis une diffusion archi-simplifiée du savoir. On le voit avec un site comme l’encyclopédie libre Wikipedia, qui a permis à des gens issus de la planète entière de travailler ensemble. C’est l’utopie soixante-huitarde du libre devenue en partie une réalité.

Ce qui est très paradoxal, c'est qu'au même moment, mon collègue Gerv Markham (contributeur Mozilla de longue date maintenant employé par Mozilla Foundation), publiait une analyse culturelle et théologique du mouvement du logiciel Libre, avec référence aux Corinthiens et et à la Genèse. Il faut dire que Gerv est un catholique convaincu (tout autant qu'il est Libriste). Le logiciel Libre serait-elle une extension de la religion catholique ? Allez, je vous livre la conclusion de Gerv : Produire du logiciel Libre est bénéfique pour le croyant et (indirectement) recommandé par les écritures, alors qu'utiliser du logiciel propriétaire n'est pas interdit par ces mêmes écritures. Allez, je me fends de la traduction de sa conclusion :

Ansi, il n'est pas possible d'aller jusqu'à dire, comme la Free Software Foundation, que le logiciel propriétaire est éthiquement mauvais. Mais avec toutes les mises en garde précisées, et pour les raisons citées précédemment, le logiciel Libre est un positif d'un point de vue social et, en tant que tel, les chrétiens doivent être encouragés à en produire, à l'utiliser et à le partager.

Enfin, encore plus paradoxal sans doute, est l'approche 100% capitaliste, où finalement, le Libre est surtout un moyen plus efficace, moins coûteux, de faire du logiciel de meilleure qualité... pour gagner le plus d'argent possible. Je n'ai pas eu à chercher loin pour trouver une illustration de cet esprit, il m'a suffit d'écouter les première secondes de l'interview de Marten Mickos, MySQL, qui balance tout de go (traduction de mon cru) :

Nous avons toujours eu ce rêve d'être coté en bourse, de rester indépendants et de faire grandir notre affaire pour dépasser le milliard de dollars ou d'euros (...)

C'est un sujet auquel je réfléchis depuis longtemps, alors que j'essaye de comprendre ce qui me fait tant aimer le logiciel Libre. Le partage, oui. L'entraide ? C'est certain. La création de valeur (non financière, la plupart du temps) de façon novatrice (via une communauté qui possède en commun le résultat du travail) aussi. Il y a aussi l'aspect éducatif et indépendant : je suis libre de voir ce qu'il y a "sous le capot" de mon logiciel et l'adapter à mes besoins. Enfin, la perspective d'inventer un "truc", autant d'un point de vue technique que social et économique, est très fort...

Et vous chez lecteur, si vous participez à un projet Libre, vous sentez vous plus dévot, révolutionnaire ou millionnaire ? Qu'est-ce qui vous intéresse dans le Libre ? Lâchez vous dans les commentaires (mais ne tombez pas à bras raccourcis sur Gerv en trollant, il a le droit de croire en ce qu'il veut, même si c'est différent de ce en quoi vous croyez).

Notes

[1] Mise à jour : Fred Couchet ne dit pas "Open Source", il dit "logiciel libre". Ca m'avait étonné, aussi ! Il m'a demandé une correction, ce que je lui offre très volontiers.