jeudi 2 septembre 2021

Le GIEC et nous

 forêt après un incendie en Californie

On a quand même passé un drôle d’été… Un temps pourri sur une bonne partie de la France, des catastrophes naturelles en rafales dans les actualités :

En même temps, le nouveau rapport du GIEC est sorti le 9 août 2021, et il est très important. C’est le 6eme du genre (le premier date de 1990) et c’est la première partie qui sera suivie de 2 autres dans les mois à venir (mars 2022) avec une synthèse dans tout juste un an.

Ce nouveau rapport du GIEC est très important car il explique pourquoi on assiste à une augmentation en fréquence et en intensité de ces catastrophes naturelles.

Dans un monde à +4°C, les températures extrêmes séviront neuf années sur dix, les précipitations intenses près de trois années sur dix et les sécheresses quatre ans sur dix

Malgré les efforts très importants de vulgarisation du GIEC, la lecture des différents documents est souvent ardue. Pour cela, certains ont produit des articles de vulgarisation, rendant encore plus facile la compréhension de ces sujets. Je pense en particulier à Thomas Bon Pote Wagner. Voici donc quelques liens pour mieux comprendre ce qu’il y a dans ce rapport :

  1. Des articles de vulgarisation en français :
    1. Le rapport du GIEC pour les parents et enseignants avec un poster à partager ;
    2. Synthèse et analyse du nouveau rapport du GIEC. Article de vulgarisation en français ;
  2. Les documents du GIEC :
    1. Résumé pour décideurs / Summary for PolicyMakers (format PDF, 42 pages)
    2. Résumé technique / Technical Summary (format PDF, 159 pages)
    3. Rapport d’évaluation #6 complet du groupe de travail 1 / AR6WGI Full Report (format PDF, 3949 pages)

Par ailleurs, dans le cadre de mes conférences sur le numérique et le changement climatique, je commence souvent par une introduction au changement climatique, que je pense accessible à tous. Par exemple, les 30 premières minutes de cette vidéo.

Pour faire face à ce qui est en train de se passer, il est essentiel que chacun de nous se renseigne, se forme sur le sujet, pour pouvoir agir. Au minimum, lisez le billet de Bon Pote, Le rapport du GIEC pour les parents et enseignants.

Normalement, à moins d’être un psychopathe total, si vous avez lu ces document et/ou vu cette vidéo, vous avez une furieuse envie de changer quelque chose dans notre mode de vie. Alors je vous encourage à faire une simulation de votre empreinte carbone avec le site NosGEStesClimat puis de cliquer ensuite sur le bouton « Passer à l’action », qui vous donnera une liste d’actions possibles en commençant par les plus faciles. À vous de jouer !

(Et pour les fainéants, voici l’infographie de Bon Pote, il suffit de cliquer pour la voir en grand !)

mercredi 1 septembre 2021

Changement climatique et numérique

Fin juillet, j’étais invité à l’événement Entrée Libre à Quimper pour y donner une conférence. J’ai choisi le sujet qui m’intéresse en ce moment, à savoir rapport entre changement climatique et numérique.

La conférence a été enregistrée :

Changement climatique et numérique par Tristan Nitot

  • Les 33 premières minutes visent à expliquer le changement climatique : comment ça arrive, qu’est-ce que ça pose comme problèmes, et ce que ça implique de changer pour chacun de nous ?
  • De la 33e minute à la 37eme, le rôle positif du numérique dans la gestion de la crise climatique
  • À partir de la 37e minute :
    • Principe d’Upton Sinclair
    • Place du numérique dans la consommation d’énergie et la production de CO2 d’un français moyen
    • Comment la loi de Moore a poussé à faire de l’obésiciel
  • 49e minute : Que puis-je faire en tant qu’informaticien ?
  • 59 mn 30s : Que puis-je faire en tant que consommateur de services numériques ?

Le support de présentation (format PDF) est disponible pour ceux qui le souhaitent.

Au passage, je tiens à adresser un immense merci au Centre des Abeilles pour l’accueil, à Brigitte et tous les bénévoles pour l’organisation et à Penn Ar Web pour la logistique vidéo.

Où voir la vidéo sur d’autres sites ?

Quelques liens mentionnés dans la présentation :

Que manque-t-il dans cette présentation ?

Lors des questions / réponses (avec la participation surprise de l’ex-députée Isabelle Attard !), puis pendant le déjeuner qui a suivi, il est apparu que j’avais laissé de coté tout l’aspect collectif de l’action. C’était volontaire, mais pas dit explicitement, ce que je regrette. En effet, je voulais par principe, après avoir expliqué le problème, donner des leviers d’action concrets pour chacun, qu’il soit utilisateur ou informaticien. Mais il existe bien sûr d’autres leviers d’action collectifs, comme le vote, l’engagement politique ou associatif etc. C’est un peu l’angle mort de ma présentation (déjà vraiment très longue) et j’aurais dû le préciser, même si c’était en une seule phrase du genre « il existe des moyens d’action collectifs, mais j’ai décidé dans cette présentation de me focaliser sur les actions individuelles ».

mercredi 25 août 2021

Vacances à vélo en Bretagne

Invité à donner une conférence sur numérique et changement climatique à Quimper dans le cadre d’Entrée Libre, une idée folle nous traverse la tête, à mon épouse Bénédicte et à moi : et si on y allait à vélo en guise de vacances ? En réfléchissant un peu, en regardant l’application Web Geovélo, on réalise que les vents d’ouest étant dominants, il valait mieux les avoir dans le dos que dans le nez, et que donc un retour Quimper-Paris serait plus raisonnable. Et que compte-tenu de notre modeste niveau de vélotaffeurs pas entraînés pour les longues distances, du temps disponible, on devrait abréger le trajet. On part donc sur un trajet Quimper (Finistère) - Laval (Mayenne) en 6 jours et 5 nuits.

On cherche des hébergements sur la route, on réserve, il ne reste plus qu’à réviser les vélos, charger les sacoches (2 sacoches de 20 L chacun).

Carte du trajet Quimper - Laval

Paris - Quimper

Nous avons des billets de TGV avec supplément vélos, avec l’angoisse d’arriver et de découvrir l’emplacement réservé squatté par les bagages des autres voyageurs. Pour éviter un tel incident, nous arrivons très en avance et sommes parmi les premiers à monter dans le TGV.

Les vélos ne tarderont pas a être recouverts de bagages, nous obligeant à détordre un garde-boue à l’arrivée.

Une petite promenade pour se mettre en appétit

Le samedi après la conférence, il nous reste un peu de temps, alors nous décidons d’aller visiter un peu le coin autour de Quimper en longeant le fleuve local, l’Odet. C’est très Gravel (chemins caillouteux) voire VTT, donc pas très adapté à nos montures chaussées de pneus lisses pour la route, mais c’est sympa et franchement superbe. On a même quelques rayons de soleil !

Les vélos le long de l'Odet

Dimanche 1er : Quimper - Carhaix-Plouguer

C’est le jour du vrai départ ! Comme au début on doit faire un peu de route, Bénédicte enfile sa chasuble Je suis UNE des deux en clin d’oeil aux copains et copines de Montpellier, et c’est parti !

Je suis Une des deux

Il y a peu de circulation, les villages sont superbes (ici La Chapelle de Loc Maria) :

Chapelle de Loc Maria

L’intérêt de notre itinéraire, calculé avec l’application Géovélo, est de privilégier les voies vertes, donc sans véhicules motorisés. Du coup, l’essentiel du voyage se fera sur deux types de voies :

  1. d’anciennes voies de chemin de fer désaffectées (pour les ferrovipathes, précisons qu’il s’agit du réseau breton à écartement métrique) ;
  2. des chemins de halages le long de rivières et de canaux, en particulier le canal de Nantes à Brest et la Mayenne.

Deux vélos sur une voie verte

Le soir, nous arrivons épuisés mais heureux dans une chambre d’hôte, le domaine de Kervennec[1]. Un superbe coucher de soleil nous attends, ainsi qu’un bon repas.

Domaine de Kervennec

Coucher de soleil au domaine de Kervennec

Lundi 2 : Carhaix-Plouguer - Pontivy

Le temps est très humide et gris, mais l’humeur est excellente ! Aujourd’hui, on commence par une voie verte le long du canal.

Le vélo de Tristan le long d'un canal avec une écluse

Bénédicte à vélo le long du canal

Les paysages sont superbes et le dénivelé faible

Pont de pierre sur la rivière (ou le canal ?)

Mardi 3 : Pontivy - Ploërmel

On part le long du canal, mais l’humidité est menaçante !

C'est vert, la Bretagne !

L’appli RainToday qui montre la carte radar des précipitations est sans équivoque. Ça va mouiller !

copie d'écran d'une application de météo qui montre beaucoup de pluie sur une carte

On apprécie de trouver parfois des stations de réparation pour vélo !

Station de réparation vélo en libre-service

On s’arrête pour déjeuner dans une crêperie locale, et une famille cycliste débarque. Immense surprise, c’est Marie Ekeland ex-collègue du CNNum 2.0 à la biographie impressionnante. Du coup, selfie !

On repart le long du canal avant d’atteindre Josselin et son château :

Le château de Josselin

L’après-midi, la vraie pluie s’invite au programme :

Pluie sur le canal

Le soir, nous dormirons au domaine de la Gaudinais près de Ploërmel, une chambre d’hôte que nous recommandons (surtout à ceux qui aiment les Hortensias et les vielles pierres).

Vieilles pierres et hortensias

Mercredi 4 : Ploërmel - Bain de Bretagne

Nos vélos, à force de rouler sur des chemins sous la pluie, sont vraiment crasseux. Nous sommes de retour sur une ancienne voie ferrée, et le dénivelé n’est pas négligeable. J’apprends que les anciennes voies métriques comme celle où nous sommes avaient ceci de particulier par rapport aux voies standards plus larges, de permettre d’avoir des courbes plus serrées et des pentes plus fortes. Ce qui explique le dénivelé inattendu.

Arrivés à l’hôtel, nous prenons le temps de laver les vélos :

En passant les vélos au jet d'eau

Jeudi 5 Bain-de-Bretagne - Segré en Anjou Bleu

Aujourd’hui, nous quittons la Bretagne pour nous retrouver en Anjou !

Sur notre route, on trouve parfois des encouragements là où on s’y attend le moins :

Pancarte 'allez roule Simone' sur un chemin

Sur cette voie verte, à un endroit où il y a un peu trop de gros cailloux à mon goût, j’essaye de sortir de l’ornière, mais avec mes pneus route, ça glisse et je tombe. Cascade ! Mon téléphone fait un vol plané, moi aussi. Je me relève, plus de peur que de mal, j’ajuste la potence qui n’était plus alignée avec la roue suite au choc, je redresse le garde-boue et le phare, et c’est reparti !

Deux vélos sur la voie verte

Le soir, nous dormons à la grange du Plessis à Segré. C’est très mignon :

Maison d'hôtes avec une pièce d'eau

Vendredi 6 : Segré - Laval

Sur la voie verte

Sous le soleil qui est revenu, nous passons au pied du château de la Rongère :

En passage au pied du château de la Rongère

Et voilà, nous sommes arrivés à Laval ! Je suis fier comme un bar-tabac…

Tristan, très fier d'être arrivé à Laval

Encore un coup de stress : pourra-t-on mettre les vélos dans le TGV ou l’emplacement sera-t-il déjà occupé par les bagages des vacanciers ? En fait, tout se passera bien :

Les vélos dans le train du retour

Encore quelques kilomètres de la Gare Montparnasse à la maison, et le compteur indique fièrement 470 km, et nous n’avons jamais autant roulé en une semaine…

Compteur de vélo indiquant 470 km

Que referait-on différemment ?

Ce voyage était un peu un pari et un tour de force, vu notre niveau. Un des plaisir, c’était de redécouvrir une région qu enous aimons beaucoup, la Bretagne, mais d’une façon différente, avec comme gros avantage le fait de le faire en couple. Les étapes étaient indéniablement un peu trop longues pour notre niveau. C’était faisable, mais au prix de longues heures sur le vélo, et trop peu d’énergie et de temps restant pour visiter les coins où nous sommes passés. Cela dit, vu la capacité d’hébergement réduite dans ce coin de France, ça n’est pas sûr qu’on aurait pu faire mieux et plus court.

La météo de cet été 2021 sur le quart nord-ouest restera sûrement dans les annales comme étant particulièrement pourrie. C’est quelque chose qui est impossible à prévoir quand on réserve des hébergements 3 mois à l’avance.

Dans tous les cas, ce voyage à vélo restera comme un excellent souvenir pour Bénédicte et moi, et la preuve qu’on peu prendre nos vélos du quotidien, leur rajouter une paire de sacoches et partir sur des distances approchant le demi-millier de kilomètres !

Note

[1] Cela va sans dire mais ça va mieux en le disant : je ne suis sponsorisé en rien pour faire des liens ou parler de ces chambres d’hôtes. J’en parle parce que j’en suis client et que j’ai apprécié. En particulier, je ne mets pas de lien vers les lieux ou hôtels à chaque étape, si je n’ai pas trouvé que cela sortait de l’ordinaire.

vendredi 30 juillet 2021

Pause estivale pour l'Octet Vert

L’Octet Vert, comme tout le monde, a bien le droit à des vacances. Alors en cette fin de “première saison”, c’est l’occasion, en quelques minutes, de faire le point sur l’audience et de se poser la question qui tue : “y aura-t-il une prochaine saison ?” L’avenir nous le dira !

Coté audience, on frise le 20 000 écoutes pour 15 épisodes, soit plus de 1 000 écoutes par épisode !

Quel épisodes ont-ils rencontré le plus de succès ?

  1. Sébastien Brault, épisode 0, remporte mécaniquement la première place, car de nombreux nouveaux auditeurs commencent par le premier épisode. Sébastien est un développeur mobile et on parle de son métier et du rapport avec l’obsolescence logicielle ;
  2. Agnès Crépet, épisode 7. Agnès nous a fourni un épisode vraiment super, on y parle de fabrication de smartphones, de matériaux Conflict-free, de sa lutte pour rendre compatible un vieux modèle de mobile avec une version récente du système d’exploitation mobile Android ;
  3. Thomas Wagner dit BonPote, épisode 11 nous parle de son envie de changer de vie et de quitter son poste de banquier pour mettre en valeur les travaux du GIEC sur le climat.
  4. 4 au pied du podium, Frédéric Bordage, épisode 8. Frédéric est un peu le parrain du GreenIT, puisqu’il est fondateur de la communauté GreenIT.fr.

Où écouter ce non-épisode ?

  1. L’Octet Vert sur Apple Podcasts ;
  2. L’Octet Vert sur Google Podcasts ;
  3. L’Octet Vert sur Spotify ;
  4. Le flux RSS de l’Octet Vert ;
  5. L’Octet Vert sur Deezer ;
  6. L’Octet Vert sur Anchor ;
  7. L’Octet Vert sur Breaker ;
  8. L’Octet Vert sur Pocket Casts ;
  9. L’Octet vert sur Podcast Addict ;
  10. L’Octet Vert sur RadioPublic.

mercredi 7 juillet 2021

En vrac de début juillet

nuage

En vrac sur Amazon

C’est Amazon qui arrive à faire les gros titres des médias… et pas en bien :

En vrac sur le climat

mardi 6 juillet 2021

Une histoire d'autocollants vélo

Autocollants vélo

On ne va pas se mentir, j’ai une fascination pour les autocollants pour vélos. Alors quand j’en ai l’occasion, j’en achète, j’en récupère aussi, j’en donne quand j’en ai en double. Il y en a un qui me fait particulièrement sourire, en anglais, qui dit “Burn fat, not oil” (brûle du gras, pas de l’essence). Mais il fallait aller l’acheter aux USA (donc avec un bilan carbone catastrophique), et du coup je me suis dit que j’allais faire une version imprimée en France à distribuer autour de moi. Je fais un sondage sur Twitter pour savoir si je fais une version française ou anglaise avec 300 réponses, je n’en reviens pas.

À mon grand dam, c’est la version française qui l’emporte, quelques suggestions de tournure (par exemple « Brûle le gras, pas l’essence »). Et puis certains ont faire remarquer que ça les mettait mal à l’aise, parce qu’ils considéraient que c’était grossophobe, ce qui évidemment ne m’avait même pas effleuré (je vous épargne mon IMC pour vous éviter des cauchemars : je suis de la #teamDodue, si vous voyez ce que je veux dire).

Comme je faisais ce projet pour faire plaisir aux copains cyclistes et que je n’ai pas envie de créer une polémique, j’arrête donc le projet.

La bonne nouvelle, c’est que je vais économiser 180 € d’impression.

Et, dans un esprit de partage, je publie sous licence CC0 mes fichiers pour qu’ils puissent servir de base à d’autres travaux :

PS : En vue de préserver ma santé mentale, les commentaires de ce billet sont fermés.

vendredi 2 juillet 2021

L'Octet Vert #14 avec Bela Loto sur l'impact humanitaire du numérique

Logo de l'octet vert, un smiley vert qui sourit avec du binaire à la place des yeux

Je reçois pour cet épisode Bela Loto, qui travaille chez Point de MIR, MIR signifiant Maison de l’Informatique plus Responsable, une association  qui propose des ateliers de sensibilisation à des enfants de 9 à 11 ans. Parallèlement à ça, Bela forme aussi des adultes sur les mêmes sujets.  Pour faire bonne mesure, Bela est autrice d’une livre intitulé Le guide d’un numérique plus responsable, préfacé par Philippe Bihouix et édité par l’Ademe, rien que ça !

Avec Bela, on a parlé d l’impact du numérique au delà des gaz à effet de serre, donc sur le coté humanitaire (travail des enfants, viol comme arme de guerre), de bouquins de philo faciles à lire (si, c’est possible !), d’espoir, de vivre le moment présent et même du coté inspirant du vélo (c’est dire si c’était un bon épisode ;-)

Où écouter cet épisode ?

  1. L’Octet Vert sur Apple Podcasts ;
  2. L’Octet Vert sur Google Podcasts ;
  3. L’Octet Vert sur Spotify ;
  4. Le flux RSS de l’Octet Vert ;
  5. L’Octet Vert sur Deezer ;
  6. L’Octet Vert sur Anchor ;
  7. L’Octet Vert sur Breaker ;
  8. L’Octet Vert sur Pocket Casts ;
  9. L’Octet vert sur Podcast Addict ;
  10. L’Octet Vert sur RadioPublic ;
  11. Pour les rebelles, les barbus, les partisans du old school, celles et ceux qui écoutent des podcasts en ligne de commande, le fichier MP3 est disponible !

Les bons liens de Bela

mardi 22 juin 2021

Vote électronique, la fausse bonne idée

Comme à chaque élection, en particulier lorsque l’abstention est forte comme dimanche dernier, l’idée du vote électronique refait surface, comme si ça allait être la solution miracle pour remobiliser les citoyens[1]. Il n’y a aucun doute que leur simplifier la vie peut aider, et pourtant, je pense que le vote électronique n’est pas une bonne idée (ce que j’ai cru à une époque).

J’ai fait une brève apparition sur BFM Business pour en parler :

Tristan Nitot à la télévision

émission le débriefing de Tech&Co de BFM Business

Pourquoi est-ce une fausse bonne idée ?

Repartons des grands principes du vote par exemple pour l’élection présidentielle en France :

  1. Le vote doit être secret (pour éviter la coercition, que quelqu’un torde le bras à l’électeur pour voter dans une direction bien précise)
  2. Le citoyen doit avoir confiance dans le fait que son bulletin est correctement comptabilisé une fois et une seule fois (pour lui et tous les autres votants)

Autre chose ?

Bien sûr, on peut avoir envie d’un décompte plus rapide, moins coûteux en effort, ne nécessitant pas un déplacement du citoyen pour voter. Mais ce sont des objectifs secondaires, et ils ne doivent pas compromettre les deux grands principes que sont le secret et la confiance.

En fait, il y a vraiment deux problèmes qu’on peut essayer d’adresser en numérisant le vote :

  1. La rapidité du décomptage des voix
  2. Le vote à distance

Ce sont deux problèmes très différents, nous allons donc les séparer et nous focaliser sur le vote électronique à distance.

Le vote papier

Pour résoudre le problème en tenant des deux grands principes, on a mis en place en France le processus suivant :

  1. Le citoyen est listé sur une liste électorale (et une seule, normalement)
  2. Il s’identifie avec une pièce d’identité
  3. Il prend plusieurs bulletins de vote et une enveloppe
  4. Il va s’isoler (seul, donc) dans un isoloir, met un seul bulletin dans l’enveloppe qu’il referme, avant de jeter les autres bulletins dans une corbeille à la sortie de l’isoloir[2]
  5. Il met l’enveloppe fermée dans une urne transparente
  6. Il signe la liste
  7. On lui propose de venir dépouiller les bulletins de vote (la plupart des gens refusent, mais je vous encourage à le faire au moins une fois, c’est très instructif et moins barbant qu’on pourrait le croire).

Ce qui est intéressant dans ce processus qui peut sembler très compliqué pour finalement un truc simple, c’est qu’on s’assure de l’identité de la personne (étapes 1 et 2) et qu’il ne vote qu’une seule fois. En prenant plusieurs bulletins (n’en prendre qu’un n’est pas autorisé) et une enveloppe, en le faisant passer dans un isoloir, en lui permettant de jeter les bulletins non utilisés (étapes 3 et 4), on s’assure que son choix est secret et non contraint.

L’urne transparente (étape 5) permet de rassurer l’électeur que son bulletin va rejoindre les autres, et qu’il n’y a pas de double fond ou d’embrouille de ce genre, ou de bulletin déjà mis dedans en début de scrutin.

En le faisant signer en face de son nom dans le registre (étape 6), on s’assure qu’il ne viendra pas voter plusieurs fois (sauf erreur ou malversation, il ne figure que sur une seule liste)

L’étape 7, au dela de permettre de trouver de la main d’œuvre pour le dépouillement, permet de s’impliquer et de vérifier que le décompte des voix n’est pas truqué.

Et coté numérique, à distance ?

  • On ne peut pas s’assurer que c’est bien la bonne personne qui vote (quelqu’un qui aurait votre mot de passe ou aurait enregistré son empreinte digitale ou son visage dans votre téléphone par le passé) ;
  • On ne peut pas s’assurer que vous ne subissez pas de pression pour voter dans un sens ou un autre ;
  • On ne peut pas facilement s’assurer que votre terminal n’est pas victime d’une cyber-attaque qui permettrait la modification de votre vote ;
  • Le citoyen n’a pas de moyen de valider que son vote est bien pris en compte (et si quelqu’un a piraté le serveur et fait pencher la balance d’un coté de façon artificielle ?) ;
  • Il n’est pas techniquement trivial d’empêcher le logiciel serveur de faire le lien entre une personne et son vote (auquel cas le vote ne serait plus secret) tout en permettant la traçabilité ;

Bref, c’est possible de voter à distance de façon électronique, mais on perd beaucoup en confiance et en secret.

Alors c’est foutu ?

En fait, comme vous le constatez, le problème est considérablement plus complexe qu’on ne le pense au premier abord. Néanmoins, des chercheurs en informatique et cryptologie se penchent sur ce sujet depuis plusieurs décennies, et les progrès sont intéressants.

Mon ancien collègue mozillien Ben Adida fait partie de ces chercheurs. Il participe à deux projets en ce sens : Helios Voting (vote électronique à distance) et VotingWorks (vote électronique dans un bureau de vote avec trace papier). Un autre projet fait par le CNRS et INRIA, appelé Belenios, vise comme Helios à permettre le vote électronique à distance.

Mais la FAQ de Belenios est formelle :

aucun des systèmes de vote existants n’offre le même niveau de garantie de sécurité que le vote traditionnel sur papier

A notre avis, aucun des systèmes de vote existants n’offre le même niveau de garantie de sécurité que le vote traditionnel sur papier (tel qu’il est organisé en France par exemple). En effet, les élections à fort enjeu nécessitent des systèmes qui assurent simultanément le secret du vote, la résistance à la coercition et la vérifiabilité, sans avoir à faire confiance aux autorités organisatrices ou au prestataire qui gère l’élection. En outre, un système de vote devrait également protéger contre la corruption de l’ordinateur des électeurs : même si l’ordinateur l’électeur est compromis (par un logiciel malveillant par exemple), il ne devrait toujours pas être possible de changer le vote choisi par l’électeur ni même de divulguer son vote.

Helios dit la même chose dans sa FAQ :

Online elections are appropriate when one does not expect a large attempt at defrauding or coercing voters. For some elections, notably US Federal and State elections, the stakes are too high, and we recommend against capturing votes over the Internet. This has nothing to do with Helios itself: we just don’t trust that people’s home computers are secure enough to withstand significant attacks.

Pourtant, le recours à du logiciel au code ouvert, donc auditable comme Helios et Belenios et à des méthodes cryptographiques avancées permet de résoudre une partie du problème (par exemple chiffrer le vote dans le navigateur, en espérant qu’il n’ai pas été corrompu). On se rapproche d’une solution, mais on n’y est pas encore.

Voilà donc pourquoi je ne pense pas que le vote électronique soit possible actuellement, si on veut protéger les deux principes démocratique que sont le secret du vote et la confiance que peut avoir le citoyen par sa capacité à auditer le processus.

d’autre sources qui complètent le propos

Notes

[1] Voir la conclusion de l’article de Numérama en fin d’article.

[2] Alors là, je fais très attention à ce que l’autocorrect ne corrige pas isoloir en urinoir !

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